Principales innovations techniques du XVIe au XIXe siècle
Le 16 juillet dernier au Haras du Pin à l’occasion des Journées de l’attelage, la Société des Amis des Haras Nationaux remettait les prix du concours qu’elle avait organisé sur le thème : « Imaginez la voiture hippomobile du XXIesiècle ». Dans le souci de situer ces projets de voitures futuristes dans une perspective historique, Jean-Louis Libourel, Patrick Rébulard et Louis Basty ont tour à tour évoqué devant un public nombreux, le premier, les principales innovations techniques depuis le XVIe siècle, messieurs Rébulard et Basty, en duo, le rôle de l’attelage sportif dans la construction des voitures contemporaines et leur évolution depuis l’apparition des compétitions d’attelage.
Nous résumons ici la première de ces interventions.
XVIIe et XVIIIe siècles
Le “Grand Carrosse Moderne” avec avant-train à rond et arcs en cols de cygne
Arcs en cols de cygne pour le passage des roues.
Carrosse de D. Pedro II, fin du XVII s.
(Lisbonne, Musée National des Carrosses)
Depuis l’utilisation des soupentes de cuir pour suspendre la caisse des Coches de la fin du Moyen Age et de la Renaissance, le premier progrès technique en matière de carrosserie a été l’invention, à Paris vers 1660-1665, des “ grands carrosses modernes ” capables d’effectuer des virages à angle droit : en effet, leur train comporte à l’avant des arcs en fer , dits cols de cygne, sous lesquels les roues antérieures, de petit diamètre, peuvent s’engager complètement pour tourner court. Autre caractéristique, leur caisse est entièrement fermée et vitrée, avec des portières sur toute la hauteur .
Les Carrosses-coupés
Pour faciliter leur manœuvre et leur circulation dans les rues étroites et tortueuses du vieux Paris, on imagina, dès le troisième quart du XVIIe siècle, de raccourcir les voitures de ville, carrosses puis berlines, alors monumentales et d’une conduite malaisée, en supprimant la partie antérieure de leur caisse, en avant des portières, et le siège qu’elle contenait. Le carrosse-coupé et la berline-coupée sont les premières formes du Coupé.
Invention de la Berline.
Inventée dans le dernier quart du XVIIe siècle, la Berline a été le premier et le plus important progrès en matière de sécurité. Leur train à deux flèches parallèles, dites brancards de train, empêchait la caisse de verser en cas de rupture d’une soupente.
« Les berlines ont succédé aux carrosses. Une des principales raisons, est que quand une soupente manquait à un carrosse, il fallait qu’il versât sur le côté : mais si pareille chose arrive à une berline, elle ne fait que se pencher sur le brancard, qui la soutient. Le nombre assez grand de ceux qui ont peur en voiture, a été suffisant pour proscrire les carrosses et adopter les berlines, où on est sans doute plus en sûreté» (Garsault : Traité des voitures, 1756).
Train de berline à brancards de train (bleu clair) et longues soupentes en cuir (bleu foncé) (Garsault : Traité des voitures, 1756, pl. XIII )
Ressorts
L ’invention des ressorts métalliques appliqués aux voitures remonte aux années 1660. La présence dans les Ecuries royales d’une calèche à ressorts à lames est en effet attestée dès 1665. L ’examen des 26 carrosses construits entre 1675 et 1725 actuellement conservés en Europe confirme cette existence précoce des ressorts, présents sur 21 d’entre eux.
Cassants et d’une élasticité limitée à cause de l’acier rudimentaire et grossier dont ils étaient faits, les ressorts ne connurent de véritable diffusion que dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle avec l’apparition des aciers doux d’Angleterre.
Ressort à la Dalesme
Ressort vertical fixé sur le train par sa partie inférieure ; à son extrémité supérieure, légèrement recourbée, vient se fixer une soupente de cuir . Inventés par André Dalesme, sans doute vers 1720, ils se généralisent vers 1740. A la différence des autres systèmes de ressorts connus jusqu’alors (les coins de ressorts des grands carrosses et les ressorts à l’écrevisse des chaises de poste), aux effets limités, les ressorts à la Dalesme faisaient preuve d’une véritable efficacité. Aussi furent-ils les premiers dont l’emploi s’est réellement développé, de sorte qu’ils ont été souvent considérés, à tort, comme les premiers ressorts inventés.
Ressort en C
Grand ressort très cintré, en forme de C
Le ressort en C est l’ultime phase de l’évolution du ressort au cours de la deuxième moitié du XVIIIe siècle, qui aboutit à cette forme idéale conjuguant robustesse, efficacité et beauté. A Paris, les ressorts en C ne semblent guère employés avant 1775.
Essieu patent à huile ou Essieu Collinge
Inventé en 1787 par l’Anglais John Collinge, l’essieu Collinge consiste à maintenir les fusées, autour desquelles tournent les roues, dans une boîte en fonte encastrée au centre des moyeux et constamment remplie d’huile. Cet essieu présente de grands avantages sur l’ancien essieu à graisse : très grande propreté, meilleur roulage, graissage à l’huile seule et à de longs intervalles. Coûteux, il ne fut adopté que lentement, avant d’équiper la plupart des voitures dans la deuxième moitié du XIXe siècle.
Train mail ou suspension mail
Train robuste formé de deux forts essieux de bois reliés par une flèche axiale et d’une suspension composée de huit ressorts droits assemblés en carré quatre par quatre (montage en châssis).
Ce train est typique, dès la fin du XVIIIe siècle, des voitures de poste anglaises, les mail-coaches, et de leurs variantes publiques ou privées, les drags et les road-coaches. Au XIXe siècle, on l’observe sur certaines voitures de maître à usage sportif, telles que grand break de chasse, roof-seat-break, phaéton, dog-cart. Il assure aux voitures qu’il équipe stabilité et excellente tenue de route, et leur confère un statut prestigieux dans la hiérarchie hippomobile.
Train mail ou suspension Mail
XIXe siècle
Ressort à pincettes ou ressort elliptique
La suspension par ressorts d’acier elliptiques, appelés par la suite ressorts à pincettes, a été inventée par Obadiah Elliot en 1804. Elle a pour effet le raccourcissement et l’allègement de la voiture grâce à la suppression de la flèche, la caisse assurant elle-même la liaison entre les deux trains. Son usage ne se généralise qu’à partir de 1830-1835. Dès lors le ressort à pincettes est employé sur quasiment tous les types de voiture. Il possède une flexibilité deux fois plus grande qu’un ressort droit de même longueur .
Suspension à huit ressorts ou double suspension
Suspension huit ressorts. Calèche de la famille royale de
Portugal par Mühlbacher à Paris –
Vila vicosa, Palais Bragance)
En 1818, l’anglais Windus intercale quatre ressorts à pincettes, nouvellement inventés, entre les essieux et les quatre ressorts en C des suspensions communes depuis la fin du XVIIIe siècle. La suspension à huit ressorts est la seule qui amortisse à la fois les chocs verticaux, longitudinaux et transversaux. Elle est réputée la plus confortable et n’est montée que sur des voitures de haut luxe.
Frein ou mécanique
Dispositif de sécurité agissant généralement sur les roues arrière d’une voiture pour la retenir dans une descente, ou l’immobiliser à l’arrêt, généralement par serrage de patins sur le bandage des roues.
L ’invention de la mécanique, apparue seulement au début du XIXe siècle, ne connaîtra d’application généralisée que tardivement. La mécanique, ainsi que l’éclairage, ne devient obligatoire qu’à partir de 1827 et pour les voitures publiques seulement. Beaucoup de voitures de luxe en seront longtemps dépourvues, jusqu’à ce que son emploi se généralise à partir des années 1880.
Les freins à levier et à volant étaient cependant apparus au cours de la décennie 1850-1860. En 1879, le carrossier parisien Binder invente le frein à levier , crémaillère et cliquet. La même année, Lagogué, carrossier à Alençon, présente un frein à pédale monté sur un Phaéton et sur un Char-à-bancs.
A la fin du XIXe siècle, le frein à câble à enroulement autour du moyeu, « très énergique et en même temps très rapide », a été la dernière innovation en matière de freinage.
Bandages caoutchouc
Le bandage à caoutchouc plein accroît le confort en réduisant le bruit du roulement. Il améliore l’adhérence au sol, mais augmente le tirage. Les premières tentatives de bandages caoutchouc remontent à 1843. Elles restent sans suite. Les bandages en caoutchouc ne seront véritablement utilisés qu’à partir de 1884.
En 1888 à Dublin, John Boyd Dunlop dépose un brevet pour l’amélioration des bandages des véhicules, sous forme d’un premier pneumatique comprenant une enveloppe de toile enduite de caoutchouc qui renferme une chambre de caoutchouc souple et élastique gonflée d’air et qui est maintenue autour de la roue par un bandage en fer creux. Le premier fiacre monté sur pneumatiques Michelin circule dans Paris en 1896.